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Attaques et incendies contre des mosquées et des bâtiments hébergeant des demandeurs d’asile, affrontements avec la police et des militants antiracistes : l’Angleterre et l’Irlande du Nord sont secouées depuis une semaine par des émeutes d’extrême droite prenant pour cible les immigrés. Odieuse, cette flambée de violence nationaliste, antimusulmane et xénophobe, ponctuée de slogans tels que « Mettez-les dehors ! », « Nous voulons récupérer notre pays », et « Anglais jusqu’à la mort ! », a débuté au lendemain de l’attaque au couteau qui a coûté la vie, lundi 29 juillet, à trois fillettes dans un club de danse de Southport (nord-ouest de l’Angleterre).
Pour contrer la fausse information largement diffusée sur les réseaux sociaux, selon laquelle l’auteur de ces meurtres, âgé de 17 ans, était un migrant musulman ayant traversé la Manche en fraude, la justice a autorisé la publication de sa véritable identité : Axel Rudakubana est né à Cardiff de parents rwandais, sans lien apparent avec l’islam.
Un mois après son arrivée au pouvoir après quatorze années d’opposition, le gouvernement travailliste du premier ministre, Keir Starmer, est confronté à une crise d’une violence et d’une teneur inédites qui réunit trois ingrédients politiques des plus explosifs : l’insécurité, l’immigration et l’extrême droite.
Face à la multiplication des violences de rue dans de nombreuses villes, de Londres à Liverpool en passant par Leeds, Bristol et Rotherham, M. Starmer multiplie les déclarations vigoureuses, qualifiant de « voyous » les auteurs de violences et se félicitant des quelque quatre cents interpellations. Mais sa réputation de fermeté liée à son passé de chef du parquet ayant requis contre les auteurs des émeutes de 2011 ne le met pas à l’abri des critiques de l’opposition conservatrice, qui juge sa réaction tardive et lui reproche d’avoir abandonné son projet d’expulsion systématique vers le Rwanda des demandeurs d’asile.
M. Starmer, parvenu au pouvoir davantage par usure des conservateurs que porté par une vague d’enthousiasme, fait face à l’émergence hyperviolente dans les rues d’une nébuleuse d’extrême droite. Certes, celle-ci n’est pas nouvelle – le National Front, dans les années 1970, et le British National Party, dans les années 2000, ont connu des moments de relative popularité –, mais elle reste extérieure au débat parlementaire du fait du système électoral à un tour, qui lamine les minorités.
Aujourd’hui, les réseaux sociaux semblent avoir permis à l’English Defence League, qui, depuis 2009, multiplie les provocations antimusulmanes, d’inspirer, sinon d’organiser, le mouvement. Avec le soutien implicite du parti xénophobe Reform UK, qui a obtenu 14 % des voix aux élections du 4 juillet. Son chef, Nigel Farage, promoteur du Brexit, nouvellement élu député, souffle sur les braises en insinuant que la police a menti sur le drame de Southport.
Les émeutes en cours soulèvent douloureusement la question de l’influence de l’extrême droite au Royaume-Uni, sous-évaluée, dans un pays qui aime rappeler ses traditions de modération politique et son passé de résistance au nazisme. En réalité, la mouvance raciste et antimusulmane y est active, prospérant avec d’autant plus de virulence que les conservateurs, au pouvoir jusqu’en juin, ont eux-mêmes joué avec le feu en usant du registre xénophobe. Les défis sont immenses pour Keir Starmer : il doit faire cesser les violences, mais aussi concevoir la politique humaine et maîtrisée d’immigration que ses prédécesseurs ont échoué à mettre au point.
Le Monde
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